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LETTRE PASTORALE DE L'EVEQUE A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE L'EVANGELISATION

«  REPARTIR  DU  CHRIST,  UNIQUE  SAUVEUR »

 

Aux Prêtres, Diacres,

Religieux et Religieuses,

Agents pastoraux, Séminaristes

et Fidèles laïcs

du Diocèse de Mahagi-Nioka,

salut et bénédiction !

 

C’est passé un temps relativement long depuis que j’ai promis de donner une lettre pastorale pour nous engager dans la célébration du centenaire de notre Evangélisation en partant  de la parole-phare proposée. Je me trouve finalement pour le moment prêt à vous la donner.

D’entrée de jeu, je voudrais attirer notre attention sur le fait que la série de célébrations que nous allons avoir coïncide, au niveau de l’Eglise universelle, avec la célébration de l’Année de la Foi qui intègre la tenue du Synode des Evêques sur la nouvelle évangélisation pour  la transmission de la foi chrétienne, le cinquantième anniversaire de l’Ouverture du Concile Vatican II et le vingtième du Catéchisme de l’Eglise catholique. Il y a donc beaucoup d’événements à célébrer. Le risque de dispersion ou de négligence de tel ou tel autre aspect est donc possible. Je pense que cette coïncidence est providentielle pour nous, comme me le confiait l’an dernier à Rome, le Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples quand je lui ai parlé de ce grand événement que nous nous préparons à célébrer.

C’est providentiel, car toutes ces célébrations peuvent aller ensemble et s’enrichir réciproquement. Les thèmes majeurs de part et d’autre sont ceux de l’évangélisation et de la foi. Cette foi est transmise par l’évangélisation. Le concile Vatican II en a beaucoup parlé la mettant en son rapport, comme de cause à effet, avec  la foi. Pour la connaissance et l’approfondissement de notre foi, le Pape Jean Paul II, dans la Constitution apostolique Fidei depositum (1992) disait justement que «  Le Catéchisme de l’Eglise catholique est un exposé de la foi de l’Eglise et de la doctrine catholique…Je le reconnais comme… une norme sûre pour l’enseignement de la foi… » Le Synode des Evêques se célébrera entre autres pour voir comment nous devons faire pour faire connaître le Christ, afin qu’il soit accueilli et qu’il soit accepté comme notre unique vraie référence. Donc en ayant sous la main les Documents conciliaires, le Catéchisme de l’Eglise catholique et après le texte de l’Exhortation post-synodale sur la nouvelle évangélisation et la transmission de la foi chrétienne, nous aurons des documents de référence pour nous permettre d’évaluer, de célébrer le centenaire de notre évangélisation, en jetant un regard sur l’avenir pour voir comment poursuivre l’évangélisation de sorte que l’Evangile soit annoncé de manière un peu plus persuasive. Ceci étant dit, j’adresse une invitation pressante pour que nous ne soyons pas dispersés, mais que nous ayons une vision d’ensemble, une vision unitaire. Ceci pourra certainement être fécond. C’est providentiel aussi, car la parole-phare part de l’objet même de l’évangélisation et de la foi, à savoir Christ.

Voilà pour quoi, je décide que cette année pastorale qui commence s’étende jusqu’à la clôture du centenaire, soit le 15 décembre 2013. Je n’aurai pas un autre plan pastoral à proposer autre que celui de célébrer les dons de l’Evangile, de la foi, des sacrements, de l’évangélisation partielle de nos cultures, de faire l’autocritique de cent ans passés de l’Evangile, de jeter des jalons pour la poursuite de l’évangélisation en vue de l’enracinement de la foi. 

«  Repartir du Christ, unique Sauveur ». Telle est donc la parole-phare, la parole mobilisatrice qui pourra nous faire entrer au second centenaire de notre évangélisation et nous y accompagner. L’avantage d’une telle parole est qu’elle doit être comme une devise, une référence tant au point de vue individuel qu’ecclésial.

Repartir, au sens propre signifie partir de nouveau (après un temps d’arrêt). Au sens figuré, il signifie : recommencer ; rependre ; partir pour l’endroit d’où l’on vient.

En partant de ces sens usuels, repartir du Christ signifierait partir de nouveau et partir de Lui, recommencer avec Lui, reprendre avec Lui. Si l’on demande à quelqu’un de repartir, de recommencer, de reprendre, cela signifie que ce qui s’est fait avant ou le premier départ n’a pas réussi comme à cent pour cent ; les finalités escomptées ne sont pas atteintes. On repart ou on recommence pour faire mieux qu’avant, pour faire un pas en avant. Repartir du Christ n’est pas la même chose que partir d’un point à un autre. Repartir de Lui ne signifie pas, le laisser derrière et aller soi-même devant et sans lui. Au contraire on repart de Lui, avec Lui et pour arriver à Lui. Il est le point de départ, le compagnon et le point d’arrivée. Il est l’Alpha et l’Omega.

  1. 1.     Motifs du choix

La kyrielle de rencontres que j’ai eue a milité de manière décisive pour le choix de cette parole-phare : une avec les clercs et une série avec des laïcs. Donc ce sont des rencontres eues avec les deux catégories composant le peuple de Dieu.

 En fait, la session que nous avons eue, nous prêtres diocésains, en février 2011 et ensuite, la visite canonique effectuée en toutes les paroisses où j’ai rencontré essentiellement des laïcs, m’ont permis de me rendre compte que notre problème fondamental et radical tourne autour de la foi[1]. A vrai dire, d’autres problèmes, comme connaissance insuffisante de notre foi, le manque d’intérêt pour faire croître cette foi par la pratique des sacrements, par la lecture et médiation de la Parole de Dieu, l’incohérence de la vie… lui sont connexes.

Ces problèmes sont connexes, dis-je, car si l’on croit vraiment, cela signifie qu’on a vraiment rencontré le Christ. Conséquemment, on ne peut pas ne pas souhaiter le connaître toujours plus, on ne peut pas ne pas chercher à connaître et à approfondir les contenus de sa foi. C’est un peu similaire à ce qui se fait dans l’ordre humain : lorsqu’on aime une personne, on souhaite la connaître toujours davantage. En plus, si l’on croit vraiment, on ne peut que chercher comment faire grandir cette foi et cela par la célébration de la présence salutaire du Christ dans les sacrements et, en particulier, dans l’Eucharistie. Ici, soit dit en passant, il est en fait pénible de constater que pour certains de nos chrétiens ne pas recevoir des sacrements ou les recevoir, c’est la même chose. Ils se disent tranquillement chrétiens sans la pratique des sacrements. Ceci signifie que l’on n’est pas en mesure de sentir les effets de la grâce de Dieu à travers ces sacrements. Enfin, si l’on croit vraiment, cette foi doit se manifester dans la vie. La foi que nous professons devrait avoir un impact sur notre vie quotidienne. Sinon, il ne faut pas avoir peur d’affirmer que cette foi ne l’est pas encore ou, à certains égards, elle l’est de nom.

Si notre problème tourne autour de la foi, je me suis posé la question de savoir ce qu’il faut faire.  Ce qu’il faut faire, c’est de chercher et de retrouver notre référence. De quelle référence devons-nous partir ou repartir ? Il faut repartir de ce qui est à l’origine de notre être chrétien  Et le Pape Benoît XVI de dire : « A l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive »[2]. La question prioritaire et fondamentale est celle de nous laisser conduire ou de conduire les autres à la rencontre avec Lui. En d’autres termes, il est question de la foi qui commence ou recommence toujours à partir du don d’une rencontre personnelle avec la Présence exceptionnelle et fascinante de Jésus Christ. Il faut donc une telle rencontre pour le découvrir et le reconnaître comme Unique Sauveur. Le problème est que nous devons présenter le Christ comme tel, afin que nous et les nôtres, nous ne puissions chercher des « sauveurs » en dehors de Lui.

Il faut parvenir à le présenter comme « Sauveur », non un sauveur parmi d’autres, mais comme l’ « Unique ». Etre sauveur dans le sens que nous entendons, c’est celui qui apporte le bonheur à tous les hommes, celui qui donne la vie en surabondance et en plénitude. Or qui peut sauver ? Qui peut donner la vie en surabondance et en plénitude ?  La réponse est : Dieu seul. C’est ce Dieu qui aime, jusqu’à la mort et au-delà de la mort, pour l’éternité, c’est-à-dire la vie en abondance et en plénitude, la vie plus forte que la mort ; le pardon des péchés, c’est-à-dire la sainteté qui fait des hommes des amis de Dieu, familiers de sa maison, capables de chanter la louange de sa gloire[3]. Si le salut est la vie de Dieu, il est donc clair que  personne ne peut prétendre à cette vie que ceux à qui Dieu la donne.

Et cette vie, Dieu la donne par Jésus-Christ et en Jésus-Christ. Car la communication de la vie trinitaire ne se fait que par Lui. En ce sens, c’est Lui l’Unique Sauveur, comme le dira Saint Pierre : « Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devrions être sauvés »  (Ac 4, 12). Le Christ est le Médiateur unique entre Dieu et les hommes (1 Tm 2, 5-6). Son nom, Jésus, signifie d’ailleurs « Dieu sauve » (Mt 1, 21). Pour Saint Luc, il est vraiment le « Sauveur » (Lc 2, 11), en plus, en 2 Tim 1, 10…  Les Apôtres qui en sont convaincus, voilà pour quoi, ils annoncent aux hommes l’unique « voie du salut » (Ac 16, 17). En vérité, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui (Jn 3, 16-17). En fait, par sa mort et sa résurrection, le Christ est devenu pour nous « principe du salut éternel » (He 5, 9).

L’adhésion à cette universalité et unicité de la médiation salvifique du Christ, signifie d’une certaine manière l’avoir comme unique référence et de là accepter de repartir de LUI, comme Sauveur. Il est Sauveur parce qu’il est la Vérité, laquelle Vérité doit être annoncée pour dissiper les erreurs et les mensonges, le relativisme, les ténèbres du péché sous toutes ses formes. Il n’est pas une vérité parmi d’autres, mais il est la Vérité. D’où seul Lui peut nous indiquer le chemin vrai. Il est l’Unique Sauveur aussi parce qu’il est la « Vie ». Il possède la vie, parce qu’il est Dieu. La vie est donnée par lui à tous, parce qu’il l’a obtenue en s’immolant sur la croix pour nous. Il est l’Unique Sauveur, parce qu’il est le Chemin. Car il conduit au Père dans son Esprit d’Amour. C’est lui qui nous mène sur la route du bonheur parfait et éternel. C’est lui qui prépare pour nous le moment attendu de notre ultime rencontre, dans la splendeur de sa gloire divine. Il est le seul chemin qui conduit au Paradis.

Nous devons repartir de Lui, car il est « le centre effectif de la réalité historique et la pierre angulaire de toute construction authentiquement humaine, et donc, aussi de l’Eglise catholique. L’appartenance au Corps du Christ qui est l’Eglise, devient le point de référence inéluctable, du jugement nouveau et original, pour soi-même et pour toute la réalité. Il est l’unique référence, il est la pierre angulaire, il est celui sans lequel, le chrétien ne peut rien faire (Jn 15, 5). Evidemment sans Lui, l’homme peut faire tant de choses aussi, mais lesquelles ? En tout cas ce qui  élève l’homme, ce qui donne une nouveauté à la vie de l’homme, ce qui permet à l’homme de se découvrir vraiment homme, ne peut pas se faire sans le Christ. C’est lui en fait la source de laquelle, l’on peut puiser l’eau de vie, comme il le disait lui-même à la Samaritaine.

Nous devons partir de Lui, car il est le point A (Alpha), le commencement; il est le même hier et aujourd’hui et pour l’Eternité. Il est le Rocher sur le quel, il faut fonder de manière inébranlable tout édifice. Pour Saint Paul,  dans le Christ tout est créé, tout subsiste en lui,  il est le premier-né d’entre les morts, en lui habite toute la plénitude, en lui tout est réconcilié (cf. Col 1, 15…17).

En fait, étant la Vérité, le Chemin, la Vie, la Pierre Angulaire, l’Alpha et l’Omega, la Source de la vraie vie, Récapitulation de tout…, il y a donc de quoi dire qu’ Il n’y a pas d’autre chemin que de « repartir du Christ comme unique Sauveur» afin que sa présence soit perçue, rencontrée et suivie avec autant de réalité, nouveauté et actualité, avec autant de pouvoir de persuasion et d’amour expérimenté, comme il y a 2000 ans par ses disciples.

Il faut repartir de Lui, car ceux qui ont mangé et bu avec Lui, il y a 2000 ans, à savoir les Apôtres, sont repartis de Lui,  après sa résurrection. C’est de Lui qu’ils sont partis de Jérusalem pour toute la Judée, pour la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8). Ainsi l’a été pour tant d’hommes et de femmes à travers l’histoire bimillénaire de l’Eglise. Nous sommes donc tous appelés à vivre la foi comme un nouveau départ, comme cette nouveauté surprenante de la vie, splendeur de vérité et promesse de bonheur, qui renvoie à l’événement qui la rend possible et féconde. On peut comprendre la vision du Bienheureux Jean-Paul II qui a commencé son pontificat par cette invitation à « ouvrir les portes au Christ » et qui l’a conclu par une autre invitation « repartir du Christ »[4]. Ce sont des invitations qui mobilisent à fixer le regard sur son visage, pour y redécouvrir toute la densité, la profondeur et la beauté de son mystère, mendiants confiants de sa grâce, avec cette conscience d’être appelés à la sainteté du fait d’appartenir au mystère de communion qui est l’Eglise, dans sa « révolution » d’amour plus inouïe qui donne sens et plénitude à l’histoire de l’humanité[5].

C’est pour ces motifs que nous sommes conviés à un retour qui nous introduit à une pleine communion de vie avec Dieu. C’est pour cela qu’il convient de repartir de Lui. Cet appel s’adresse à nous, tous, nous, évêque, prêtres, religieux, fidèles laïcs, jeunes et vieux et nous engage à tenir compte des priorités pastorales.

  1. 2.    Priorités pastorales

De ce constat, je suis persuadé que la tâche prioritaire qui nous attend au second centenaire est celle de poursuivre  l’évangélisation.

Comme, on le sait, au point de départ de l’évangélisation, il y a d’abord et avant tout la Révélation. C’est à travers elle que Dieu «  nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’il avait formé en lui par avance, pour réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ » (Ep 1, 9-10). La Révélation est ainsi « l’acte par lequel Dieu se manifeste personnellement aux hommes. Dieu se montre, en effet, comme celui qui veut se communiquer lui-même, en rendant la personne humaine participante à sa nature divine» (2 P 1, 4)[6]. « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler lui-même aux hommes et de faire connaître le mystère de sa volonté… pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie… »[7]. Cette révélation, Dieu l’a faite de manière progressive aux hommes, par l’intermédiaire des hommes, par l’intermédiaire des prophètes et des événements salvifiques, jusqu’à l’accomplissement de sa Révélation par l’envoi de son propre Fils (He 1, 1-2). Ce Fils est, par conséquent, «  l’événement ultime vers lequel convergent tous les événements de l’histoire du salut » (Lc, 24, 27). Il est, en effet, «  la Parole unique, parfaite et indispensable du Père »[8]. En lui, culmine la Révélation de Dieu. Ce Fils devient pour ainsi dire le premier Evangélisateur comme le dit si bien le Pape Paul VI « … Jésus lui-même Evangile de Dieu (Mc 1, 1 ; Rm 1, 1-3), a été le tout premier et le plus grand évangélisateur. Il l’a été jusqu’au bout : jusqu’à la perfection, jusqu’au sacrifice de la vie terrestre »[9]. A ce titre, il a annoncé le Règne de Dieu, le Salut libérateur.

Cette charge doit continuer dans l’Eglise et par l’Eglise. « Nous voulons confirmer une fois de plus que la tâche d’évangéliser tous les hommes constitue la mission essentielle de l’Eglise... Evangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse »[10].

Cette charge tout en étant de l’Eglise universelle, est aussi celle de chaque Eglise locale. Dans cette œuvre de l’évangélisation, nous devons repartir du Christ, car elle s’exprime  «  en termes d’annonce du Christ à ceux qui l’ignorent, de prédication, de catéchèse, de baptême et d’autres sacrements à conférer »[11]. De manière plus décisive encore, il faut affirmer à la suite de Paul VI : « Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu ne sont pas annoncés »[12]. L’objet de la prédication est toujours Jésus-Christ lui-même. C’est dire qu’au centre du message, c’est le salut en Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité. Il faut cette annonce claire qu’en lui le salut est offert à tout homme, comme don de grâce et de miséricorde de Dieu.

Il est question de porter la Bonne Nouvelle à toutes les couches de notre Diocèse et sous son influence, transformer de l’intérieur et rendre nouveaux les hommes et les femmes de notre Diocèse. « Le mandat missionnaire du Christ revêt divers aspects intimement liés entre eux : « annoncez » (Mt 16, 15), « faites des disciples et enseignez » (Mt 28, 19-20) ; « Soyez mes témoins » (Ac 1, 8) ; « baptisez » (Mt 28, 19) ; « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22, 9), « aimez-vous les uns les autres » (Jn 15, 12). Annonce, témoignage, enseignement, sacrements, amour du prochain, faire des disciples : autant d’aspects qui sont des chemins et des moyens pour la transmission de l’unique Evangile et constituent les éléments de l’évangélisation»[13].

Les choses étant ainsi, ce qui nous attend c’est de nous engager résolument dans le processus de l’évangélisation scandé par l’activité missionnaire pour les non-croyants et pour ceux qui vivent dans l’indifférence religieuse. Ces deux catégories, à n’en point douter, sont présentes aux flancs de nos montagnes, sur nos plaines, dans nos cités, villages et agglomérations. Quoi qu’on dise, la première annonce ou le kérygme est plus que jamais urgente aujourd’hui, non pas seulement à cause des ignorants de la foi, mais aussi à cause de tant d’indifférents.

Ce processus doit aussi être scandé par l’activité catéchétique d’initiation pour ceux qui choisissent l’Evangile et pour ceux qui ont besoin de compléter ou de restructurer leur initiation. Il ne faut pas nier le fait que beaucoup embrassent la foi et acceptent de se faire baptiser et acceptent de recevoir d’autres sacrements. Cette année pastorale par exemple, environs 7.365 ont été confirmés. Le gros problème qui reste est toujours celui de l’aide que nous devons leur apporter pour compléter leur initiation, voire la renforcer. Ils en ont peut-être besoin, peut-être pas aussi, mais de notre part il convient de présenter ces possibilités. Sans cela, la foi s’affadit.

Enfin, ce processus doit être scandé par l’action pastorale pour les fidèles chrétiens ayant déjà atteint la maturité au sein de la communauté chrétienne (A.G., 6 f). Selon le Pape Jean-Paul II, on peut trouver « des communautés chrétiennes aux structures ecclésiales fortes et adaptées, à la foi et à la vie ferventes, qui rendent témoignage à l’Evangile de manière rayonnante dans leur milieu et qui prennent conscience du devoir de la mission universelle »[14]. Ce sont ces communautés, dit le Pape, qui ont besoin d’une intense « activité pastorale de l’Eglise », du moment qu’elles sont constituées de personnes et de familles ayant un sens chrétien profond. Dans ce contexte, la catéchèse des petits enfants, des adolescents et des jeunes doit promouvoir de vrais processus  pouvant rendre un service irremplaçable.

Un tel processus n’est évidemment pas définitif, mais il doit être repris de manière continuelle. C’est ce qui peut nous permettre de répondre aux défis que nous avons à lever. En d’autres termes, cela peut nous aider à enraciner la foi chrétienne en nous et en nos fidèles.

  1. 3.    Conséquences

Comme on le sait, la foi née ainsi de l’évangélisation, entretenue par les activités catéchétiques et pastorales est, avant tout, conversion à Jésus-Christ, (A.G., 13 a), adhésion pleine et sincère à sa personne et décision de marcher à sa suite.  Comme le disait le bienheureux Jean-Paul II, « La foi est une réponse personnelle à Jésus-Christ ; c’est devenir son disciple, à savoir s’engager à penser comme lui, à juger comme lui et à vivre comme il a vécu »[15]. Une telle foi implique évidemment un changement de vie, une « metanoia ». C’est-à-dire un changement profond du regard et du cœur ; elle conduit le croyant à une nouvelle manière d’être, de vivre, de vivre ensemble, que l’Evangile inaugure »[16].  En d’autres termes, « Ce changement de vie se manifeste à tous les niveaux de l’existence du chrétien : dans sa vie intérieure d’adoration et d’accueil de la volonté de Dieu ; dans sa participation à la mission de l’Eglise, dans sa vie conjugale et familiale ; dans la vie professionnelle ; dans les activités économiques et sociales »[17]. De là vient que « la vision anthropologique, l’homme mesure de tout », devient ainsi christologique : «  Le Christ est la mesure de tout »… Avec le Christ mort et ressuscité, se fait jour une situation complètement nouvelle dans laquelle l’homme charnel est mort et le jugement selon la chair inconsistant, dépassé et périmé. Les critères d’évaluation sont radicalement changés : les disciples du Christ ne peuvent plus juger selon les critères du prestige culturel, de l’appartenance ethnique, raciale ou familiale, somme toute selon l’égoïsme ou l’intérêt personnel »[18].

Cela signifie que « … la vérité de la foi, qui s’est manifestée dans une Personne concrète qu’est le Christ Jésus, serait peu de chose si elle n’était pas vécue selon l’exemple même de cette Personne et selon son enseignement et dans la fidélité pratique à sa parole et à ses commandements. La praxis se rattache ainsi naturellement à la foi d’où elle tire son origine et sa constance. L’orthodoxie ne serait rien si elle n’était pas accompagnée de l’orthopraxie. L’orthodoxie sans orthopraxie est du néant et un néant conduisant vers le néant et le vide infernal du mensonge et des illusions d’une vie hypocrite… La foi est vie. Si elle n’est pas vie la foi n’existe pas. C’est une foi morte (Jc 2, 17-19)… si elle ne continue pas à provoquer des attitudes nouvelles, conformes à la foi qui engendre une nouveauté  dans l’être, l’agir et la conduite du croyant (cf. Tt 1, 15-16). La parole de Dieu qui suscite la foi (Rm 1, 14-17), peut et doit se transformer en vie. Elle doit imprégner toute la vie, toute la pensée, toutes les actions et tout le comportement de l’homme…[19]. Bien des chrétiens ont établi une dichotomie entre la foi et la vie, donnant ainsi l’impression que l’Evangile est incapable de transformer le monde. C’est la tragique incohérence et le grand scandale dont nombre de chrétiens, même de nos jours, se rendent coupables, comme le dénonce à plusieurs reprises le Concile Vatican II, dans la Constitution Pastorale Gaudium et Spes[20]. C’est ce qui a fait dire au Serviteur de Dieu Paul VI : «  Le plus grand péché du christianisme, c’est la foi sans les œuvres ».

En tout cas, si l’on croit vraiment, on ne peut pas ne pas poser des œuvres. Lorsque l’on croit vraiment, on est comme greffé à lui, enraciné en lui, immergé pour ainsi dire en lui. On devient un seul et même être avec le Christ (cf. Rm 6, 1-13 ; 2 Co 5, 17). Il est uni au Christ et cette union de plus en plus profonde, par élimination de tout ce qui, en nous, appartient au vieil homme, jusqu’à ce que l’homme nouveau atteigne sa perfection dans cette union transformante qui fait poser à l’homme des actes divins, car l’âme est devenue divine de Dieu par participation »[21]. Nous prêtres, et tous les agents pastoraux, nous sommes invités à cette transformation de vie. C’est l’ardent souhait que je puisse adresser à chacun et à chacune de nous, fils et filles de ce Diocèse au seuil de ce grand événement de grâce.

En guise de conclusion, je dois dire que notre pastorale pour les prochaines années doit s’articuler autour de l’enracinement de la foi. La voie royale, ce sera l’évangélisation en profondeur, la catéchèse, la formation de nos fidèles et les lieux cibles seront la famille, la jeunesse et les sacrements. Pour cela, j’engage tous, moi le premier, à être évangélisateur, avant tout être son propre évangélisateur et après être évangélisateur pour les autres.

Je fléchis les genoux devant le Père, de qui vient tout don parfait pour redire « Fais qu’une telle évangélisation en profondeur change complètement notre vie, de sorte que les fruits du Royaume se ressentent dans notre vie d’ici-bas  à tous les niveaux ».

Tout en demandant au Seigneur l’abondance de bénédiction sur tous les prêtres et tous les autres agents pastoraux, je nous demande un zèle pastoral redoublé.

Donné, le 15 septembre 2012, en la Mémoire de Notre Dame des douleurs, à trois mois de l’ouverture du centenaire de notre Evangélisation.

                                                                                      

                              Mgr Sosthène AYIKULI ADJUWA

 Evêque du Diocèse de Mahagi-Nioka



[1] Quand le Pape nous a reçus le 7 septembre 2012 à Castel Gandolfo, dans son discours, il nous a dit que «  Vos communautés sont presque toutes de fondation récente, et présentent les forces et les faiblesses liées à leur brève histoire. Elles montrent une foi fervente et joyeuse, vivante et créative, mais très souvent non enracinée. En elles, l’enthousiasme et le zèle apostoliques alternent les moments d’instabilité et d’incohérence. »

[2] Benoît XVI, Encyclique, « Deus caritas est », n. 1.

[3] Théo, p. 612.

[4] Novo Millenio Ineunte, nn, 29 ss.

[5] GUZMAN CARRIQIRY, La participation des laïcs dans la Mission de l’Eglise, Séminaire d’aggiornamento des Evêques des Territoires de Mission (Manuscit).

[6] Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn. 51-52.

[7] Constitution dogmatique, Dei Verbum, n. 2.

[8] Evangelii Nuntiandi., n. 65.

[9] Ibid., n. 7.

[10] Ibid., n. 149.

[11] Ibid., n. 17.

[12] Ibid, 22; 52-53.

[13] Directoire général pour la Catéchèse, n. 46.

[14] Redemptoris missio, 33 c.

[15] Catechesi tradendae, n. 20 b.

[16] Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 1430-1431.

[17] Directoire général pour la catéchèse, n. 55.

[18] G. SALDARINI, Vivre, c’est le Christ, Paris 1996, p. 139.

[19] Mgr R. SARAH, Les devoirs des autorités de l’Eglise et la vie chrétienne, Limete-Kinshasa, pp. 104-105.

[20] “Les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas minime, dans la genèse de l’athéisme, dans la mesure où, par négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux, qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent » (G.S, 19 ; cf. 30).

[21] F. RETORE, Espérez en vérité, Venasque, 1999, p. 174.



06/11/2012
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